Inspirée par les traditions de l’artisanat marocain, la designeuse belge Laurence Leenaert s’engage pour une production éthique et locale.
Dans le dédale des passages secrets de la Médina de Marrakech se cache un artisanat centenaire du travail du cuir qui a fait la réputation de la ville. Cet héritage ancestral a inspiré la designeuse belge Laurence Leenaert, qui a implanté sa marque LRNCE au Maroc. En puisant dans ces traditions et en produisant localement, elle a développé un concept attractif, éthique et original.
Dans La maison méditerranéenne, Laurence Leenaert raconte comment elle a découvert la richesse de la tradition artisanale de Marrakech en visitant la ville avec sa sœur, un voyage qui a transformé son approche du design.
Après avoir abandonné son master à l'Académie royale des beaux-arts de Gand, elle crée LRNCE. Alors qu’elle comptait dédier sa marque à la fabrication de sacs en cuir, la diversité de l’artisanat local l’invite rapidement à explorer de nouveaux domaines d'activités. Quatre ans plus tard, LRNCE propose non seulement des céramiques et des textiles, mais aussi une collection variée de sandales, de miroirs, de nattes murales et de vestes de kimono.
En repensant à sa décision de s’installer au Maroc, Laurence Leenaert explique qu’elle ne ressentait plus aucun attachement à la Belgique à ce moment de sa vie. Elle avait l’impression d'être frustrée et limitée créativement - son installation à Marrakech lui a permis de démarrer de nouveaux projets et de lui offrir de nouvelles perspectives.
“Quand je suis arrivée ici, je me suis fait la promesse de rester ouverte à tout ce que je voulais réaliser et de ne jamais me laisser enfermer dans une case.” Un jour, un artisan lui a proposé de lui confectionner des sandales. “J’ai accepté. Pourquoi pas?”. Elle explique qu'après avoir rencontré ce premier artisan à Marrakech, il lui a été plus facile d’en rencontrer d’autres.
Laurence Leenaert a expérimenté de nouvelles disciplines, échangé directement avec des familles d’artisans et a découvert une nouvelle qualité de vie. Elle travaille maintenant avec une équipe composée de 35 artisans qui collaborent avec elle sur les projets de LRNCE, 9 d’entre eux travaillent avec elle sur le design dans son studio de Sidi Ghanem, le quartier industriel de Marrakech.
Associant techniques artisanales marocaines et expérimentations contemporaines, il a fallu un certain temps pour familiariser les adeptes d’un design plus traditionnel avec sa vision. Sa persévérance et son style ont plus tard convaincu ses pairs. Nous avons interrogé la designeuse sur sa décision de s’installer au sud de la Méditerranée.
Dans La maison méditerranéenne vous déclarez au sujet du Maroc: “Il y a tellement de liberté ici. Si vous êtes créatif, les possibilités sont infinies.” Pouvez-vous nous décrire ce sentiment de liberté et pourquoi pensez-vous qu'il est plus palpable qu’en Belgique?
Parce qu’il y a plus de travailleurs indépendants, d’entrepreneurs ici. Beaucoup exercent des activités artisanales et sont très ouverts pour réaliser des échantillons, avec l'idée que tout est possible. Quand j'étais en Belgique, c'était compliqué pour moi de me fournir en échantillons, il fallait que je commande de grosses quantités, il y avait beaucoup de paperasses, une vraie galère, ici les choses sont plus simples.
Vous rendez hommage à l'artisanat marocain mais n’essayez pas de réinventer le design traditionnel, ce qui a pu déranger les artisans locaux, comme vous l’indiquez dans le livre. Est-ce que votre vision a pu trouver sa place dans la Médina?
Oui, évidemment, mais ça m'a pris du temps. C’est incroyable de voir à quel point on peut influencer les gens en travaillant et en créant ensemble. L'esthétique évolue et je trouve ça très satisfaisant.
Comment définiriez-vous l'état d’esprit marocain?
“Inch Allah”
De nombreux acheteurs viennent à Marrakech pour revendre en France, en Belgique, ou au Royaume-Uni en faisant de très grosses marges. Ce n’est pas votre approche. Vous avez développé une connexion plus humaine avec les artisans locaux. Comment cela affecte-t-il votre activité et comment cela bénéficie-t-il aux communautés locales?
Nous ne faisons pas de vente en gros afin de ne pas sur-produire. Nous voulons garder une activité à taille humaine (se concentrer sur notre équipe d’artisans et ne pas changer nos capacités de production), ce qui nous oblige à décevoir certains qui voudraient vendre nos produits dans leur boutique. Mais je préfère limiter nos ventes et conserver nos valeurs. Tout le monde ne comprend pas notre état d'esprit, beaucoup de gens se demandent pourquoi on ne veut pas changer notre modèle d'activité et produire plus. Mais ça ne m'intéresse pas, ça enlèverait toute la magie à ce projet.
Avec des références à Pablo Picasso et Joan Miró, comment décririez-vous votre esthétique et ce que représente LRNCE?
On fait souvent référence à ces deux artistes incroyables mais je pense que j’ai construit un univers et une esthétique propre, je veux m'éloigner de ces références. J’ai ma propre façon de travailler et une vision pour gérer ma marque.
Le bonheur, la joie, et le Maroc sont parties intégrantes de nos objets. Pour nous, il s’agit de s'approvisionner en matériaux faits à la main au Maroc, en travaillant avec les artisans locaux et en collaborant avec une équipe exceptionnelle qui participe au succès de LRNCE. Il s’agit d’assembler les bonne couleurs pour créer quelque chose de plus fort et apporter du renouveau à la tradition marocaine.
Comment votre expérience chez Bless à Berlin a-t-elle changé la façon dont vous considérez l’industrie de la mode?
Bless était anti-pub et anti-marque, ce qui est une approche intéressante dans l’industrie de la mode mais aussi dans la production. Par exemple, ils faisaient aussi des installations, des livres, des draps et des hamacs. C'était super de voir et d’apprendre la façon dont leur business était géré, une approche pragmatique, qui ne rentrait dans aucune case.
Les marques et les créatifs ont une relation paradoxale avec les réseaux sociaux, mais ces derniers ont été essentiels pour LRNCE. Quelle a été la contribution d’Instagram dans la communication de votre message et de votre vision?
Instagram a été extrêmement important pour moi, c’est dingue ! Ça ne m’a pas seulement aidé à entrer en contact avec des gens, mais ça a aussi permis de montrer ce que nous faisons partout dans le monde. Des gens du monde entier nous rendent visite dans notre studio grâce à Instagram. Je suis fascinée par le pouvoir de ce réseau. Je suis allée à Cape Town l'année dernière et j'étais surprise de voir que beaucoup de personnes connaissaient LRNCE. Je suis très visuelle et Instagram est la plateforme parfaite pour montrer mon univers.
Quels sont vos projets pour les deux prochaines années ?
Je n'ai pas vraiment de plans, je prends la vie comme elle vient.
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